Depuis plus de 20 ans, les pharmaciens suisses contribuent à stabiliser le coût des
médicaments à charge de l’assurance-maladie en substituant autant que faire se
peut les prescriptions originales par des génériques, copies tout aussi sûres et efficaces
mais meilleur marché. Les principes actifs biologiques étaient toutefois exclus
du champ de substitution par les pharmaciens. Cela vient de changer, ouvrant la voie
à d’importantes économies.
Biosimilaires, quésaco ?
Pour faire court, un biosimilaire est la copie d’un médicament biologique. Comme tout médicament, un remède issu de la biotechnologie est protégé par un brevet, à l’expiration duquel il peut être copié par la concurrence. A ce stade, il serait rationnel de se demander pourquoi ne pas parler simplement de «générique». C’est là que les choses se compliquent un peu. Il importe en effet de comprendre qu’une molécule produite par un organisme vivant n’est jamais intégralement identique d’un lot à l’autre, et encore moins d’un fabricant à l’autre. Et quand bien même une complète similitude existerait, elle serait difficilement prouvable tant l’analyse serait complexe à mener. Raison pour laquelle le terme de «biosimilaires» a été adopté pour désigner les copies des médicaments biologiques.
Substitution autorisée et encouragée
Que l’on se rassure, la variabilité entre un biosimilaire et sa préparation de référence est infime, et n’affecte en aucune façon la sécurité ou l’efficacité du médicament. Les scientifiques, toujours friands de concepts savants, parlent de «microhétérogénéité moléculaire». A l’image des pétales d’une rose, dont les menues différences de forme ou de couleur n’ont pas d’influence sur leur fonction d’attirer les insectes pollinisateurs. L’évolution des connaissances et l’expérience clinique, depuis les premiers médicaments biologiques dans les années 1990 et l’apparition des biosimilaires une quinzaine d’année plus tard, a conforté les bases scientifiques de la biosimilarité. Il n’y a aujourd’hui plus aucun doute sensé au sujet du profil d’efficacité et de de sécurité d’un biosimilaire homologué selon les normes (très contraignantes) de l’Union Européenne. Chaque pays peut dorénavant adapter sa législation en matière de substitution des médicaments biologiques. Ce qu’a fait la Suisse en juin 2023, décidant que depuis le 1er janvier 2024, les pharmaciens seraient autorisés, et encouragés, à substituer les biomédicaments.
Gigantesques économies potentielles
Les médicaments biologiques ont transformé la vie de millions de patients souffrant d’affections graves en leur offrant des perspectives qu’il n’est pas exagéré de qualifier de révolutionnaires. Ils ont aussi transformé les perspectives économiques des caisses maladies, et donc des payeurs de primes, en étant responsable de 50% de l’augmentation des coûts en 2023 ! Un chiffre à relativiser néanmoins si l’on tient compte des dizaines de milliers de journées d’hospitalisation et autres prises en charge médicales évitées grâce à ces nouveaux traitements. Il n’en reste pas moins que les prix parfois stratosphériques des médicaments biologiques, proportionnels aux difficultés à les fabriquer et aux services rendus, sont devenus un enjeu majeur de la maîtrise des coûts de la santé. Les pharmaciens ont donc été appelés à la rescousse, comme d’habitude faudrait-il ajouter. Economies espérées par l’usage des biosimilaires à la place des préparations de référence: une centaine de millions de francs par an.
La pression de la quote-part
Fortes du feu vert de l’Office Fédéral de la Santé Publique, les équipes de Pharmacie Populaire ont pris leur bâton de pèlerin depuis le début de l’année, pour expliquer et convaincre les utilisateurs de médicaments biologiques de passer à un biosimilaire. Ils sont aidés pour cela par la modification de l’ordonnance sur l’assurance-maladie qui a doublé la quote-part payée par l’utilisateur de certains médicaments originaux dits chers, la faisant passer de 20% à 40% (contre 10% pour un générique). Prenons l’exemple d’un médicament original à 100 francs et de son générique ou biosimilaire à 60 francs. La différence de quote-part à charge du patient est dorénavant spectaculaire : 40 francs (40% de 100.-) pour l’original, et seulement 6 francs (10% de 60.-) pour le générique ! L’action des pharmacies stabilise donc non seulement les coûts de la santé en général, mais aussi directement le budget des ménages en les incitant à choisir des génériques ou des biosimilaires. Pour important que soit l’engagement des officines de ville, il paraît utile de rappeler que les médicaments ne contribuent qu’à hauteur de vingt pour cent des frais de l’assurance de base, et que près de la moitié d’entre eux ne sont pas facturés par les pharmacies, mais par les hôpitaux ou les médecins. Ainsi, un grand nombre de médicaments biologiques, dont les plus coûteux, sont administrés directement en milieu hospitalier.